Pratiques en matière d’admission et flexibilisation de la maturité professionnelle

Comme l’atteste la statistique de l’éducation, la maturité professionnelle (MP) s’est bien établie depuis son introduction au début des années 90, et le taux de MP a augmenté constamment au cours des dix dernières années. Aujourd’hui, un cinquième environ de toutes les personnes en formation complètent leur certificat fédéral de capacité avec un certificat de MP, que cela soit pendant la formation professionnelle initiale ou à l’issue de celle-ci (CSRE, 2018). Comparé au besoin en personnes diplômées du degré tertiaire, ce développement est nécessaire et doit continuer à augmenter (Babel, 2019). Le développement actuel de la MP s’accompagne toutefois de défis majeurs en termes de politique d

Loupe sur une foule de personnes
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Défis en termes de politique de la formation et mesures

Il s’agit d’une part des différences marquées dans les taux de MP selon le canton ou la région, qui concernent aussi bien le nombre de MP que leur évolution, sachant que les taux varient plus fortement d’une année à l’autre dans les petits cantons que dans les grands. La différence maximale entre les cantons est un facteur 2,6 (Bâle-Ville 8,6 % et Tessin 22,3 %) (SEFRI, 2018). Les raisons du niveau et du développement des taux n’ont pas encore suffisamment été évaluées de manière empirique. Outre les différences dans les décisions des apprenti-e-s, les effets de l’évolution démographique et les changements dans les conventions de prestations des cantons avec les prestataires de formation, les différentes structures d’offre ou d’opportunité des cantons sont citées comme cause possible (Kost, Lüthi, & Fischer, 2017). Il existe par exemple des différences considérables entre les cantons en ce qui concerne les types d’écoles et de formations pour obtenir une maturité (gymnases, écoles de maturité professionnelle, écoles de commerce et de culture générale) et les conditions d’admission à ces offres.

D’autre part, il apparaît que le nombre de certificats de MP acquis à l’issue de la formation professionnelle initiale (MP 2) a augmenté plus fortement que les certificats de MP intégrés dans la formation professionnelle initiale (MP 1) (SEFRI, 2019). Les raisons de cette situation sont également encore peu étudiées. Elles peuvent être dues au rapport coût-bénéfice défavorable de la MP 1 et par conséquent au manque de soutien des entreprises formatrices ou à la réticence des apprenti-e-s à assumer la charge de travail d’une MP pendant l’apprentissage (Becker & Glauser, 2018 ; Gonon, 2018). Cet état de fait a incité un groupe de pilotage, composé de représentants des partenaires de la formation professionnelle, à mettre en consultation en 2016 six principes directeurs visant une flexibilisation de la MP en cours d’apprentissage dans le cadre du projet « Renforcement de la maturité professionnelle » et – sur la base des résultats – à en proposer quatre aux cantons en 2017 pour l’organisation flexible des filières de MP 1.

Ces principes directeurs sont les suivants (CFMP, 2016 ; SEFRI, 2017) :

  • Principe directeur 2 : Possibilité d’enseigner jusqu’à un tiers des leçons de MP jusqu’à un an au plus tard après la remise du CFC et la fin du contrat d’apprentissage.
  • Principe directeur 4 : Les personnes en formation peuvent passer l’examen de maturité professionnelle au plus tôt un an avant la fin de l’apprentissage.
  • Principe directeur 5 : Il est également possible de commencer la MP pendant la 2e année d’apprentissage dans les formations initiales de trois ans.
  • Principe directeur 6 : Il est possible de passer des examens partiels dans les branches « sciences naturelles » et « sciences sociales ».

Afin d’étudier les raisons précitées des différences dans les taux de MP et de soutenir les mesures prises pour renforcer l’attrait de la MP 1, des recherches intensives sont nécessaires sur les caractéristiques de conception de la MP dans les différents cantons.

Nous présentons ci-après les premiers résultats d’une recherche sur les modalités d’organisation de la MP dans les cantons effectuée par l’OBS IFFP sur internet et par téléphone (analyse des bases légales en vigueur et enquête auprès des offices cantonaux de la formation professionnelle) entre mai et octobre 2019. Dans ce contexte, il est intéressant de savoir (1) quelles sont les pratiques d’admission à la MP 1 et à la MP 2 dans les cantons et (2) dans quelle mesure des modèles de formation plus flexibles pour la MP 1, basés sur les principes directeurs, sont utilisés dans les cantons pour les cinq orientations de la MP.

Pratiques cantonales en matière d’admission à la maturité professionnelle

Dans tous les cantons, la condition formelle minimale pour l’admission à une école de maturité professionnelle est un contrat d’apprentissage et l’accord de l’entreprise formatrice (MP 1), ou une formation CFC achevée (MP 2). Les cantons décident des autres conditions d’admission, ce qui signifie que les pratiques individuelles du canton de résidence déterminent en fin de compte le degré de libéralité ou de restriction de l’accès à la MP.

En ce qui concerne la MP 1, on peut distinguer quatre conditions d’admission différentes, qui sont appliquées sous une forme ou une autre dans les cantons :

  1. une moyenne des notes donnée au degré secondaire I ou un examen d’admission,
  2. un examen d’admission obligatoire,
  3. une recommandation de l’école fréquentée au degré secondaire I ou examen d’admission,
  4. une moyenne des notes du bulletin de notes final du degré secondaire I et de l’examen d’admission obligatoire.

Conditions d’admission à la MP 1

Cantons

Moyenne des notes du degré sec. I ou examen d’admission

AG / BL / BS / FR / GE / LU / JU / NE / NW / SO / TI / UR / VD / VS

Examen d’admission obligatoire

GL*/ GR / SH / SZ / SG / TG / ZH

Recommandation de l’école du degré sec. I ou examen d’admission

BE / ZG

Moyenne des notes du bulletin de notes final du degré secondaire I et de l’examen d’admission obligatoire

AR

Tableau 1 : Dispositions cantonales en matière de conditions d’admission à la MP 1

* À l’exception de l’orientation « Technique, architecture et sciences de la vie » de la MP, où la moyenne des notes obtenues au degré secondaire I est décisive.

Le tableau 1 montre que dans 14 des 24 cantons suisses proposant des filières de MP 1, la moyenne des notes au degré secondaire I est déterminante pour savoir si une MP 1 est possible en présence d’un contrat d’apprentissage et si l’entreprise formatrice donne son accord. La moyenne à atteindre varie à la fois au sein des cantons selon le type d’école secondaire I fréquentée (par exemple, école secondaire ou école de district) et entre les cantons. En outre, les branches prises en compte pour la moyenne diffèrent selon les cantons et/ou les orientations de la MP. Si la moyenne n’est pas atteinte, il est possible de passer un examen d’admission dans la langue de l’école, dans la première et la deuxième langue étrangère ainsi qu’en mathématiques. Cette condition d’admission existe en Suisse romande et au Tessin et dans la majorité des cantons germanophones. Sept cantons germanophones prévoient un examen d’admission obligatoire – indépendamment de la moyenne des notes obtenue au degré secondaire I. À noter qu’en cas de réussite à l’examen d’admission au gymnase ou de passage du gymnase à la MP 1 après au moins deux semestres, il n’y a pas d’examen d’admission. Dans les cantons de Berne et de Zoug, une recommandation de la dernière école fréquentée au degré secondaire I basée sur les résultats scolaires ou la réussite à l’examen d’admission dans la langue de l’école, la première et la deuxième langue étrangère ainsi qu’en mathématiques est requise pour intégrer la MP 1. Dans le canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures, les notes du dernier semestre de l’école du degré secondaire I obtenues avant l’examen d’admission et les notes obtenues à l’examen d’admission obligatoire (langue de l’école, anglais et mathématiques) sont converties en points, un nombre minimum de points devant être atteint pour l’admission. Les pratiques en matière d’admission sont harmonisées dans les cantons au degré secondaire II, autrement dit, elles s’appliquent également en cas de passage au gymnase.

En ce qui concerne la MP 2, des différences apparaissent également entre les cantons en termes de conditions d’admission (voir tableau 2) ; ces différences peuvent être globalement résumées comme suit

  1. examen d’admission obligatoire,
  2. moyenne des notes ou examen d’admission,
  3. fréquentation d’un cours préparatoire ou examen d’admission
  4. entretien d’admission obligatoire et fixation des autres conditions d’admission.

Conditions d’admission à la MP 2

Cantons

Examen d’admission obligatoire

AG / GE / LU / SZ / SG / UR / VD / ZH / ZG

Moyenne des notes ou examen d’admission

BL / BS / GL / GR**/ JU / OW / TG / VS

Cours préparatoire achevé avec succès ou
examen d’admission

BE / FR / NE / SO

Entretien d’admission et fixation d’autres
conditions d’admission

SH / TI

Tableau 2 : Dispositions cantonales en matière de conditions d’admission à la MP 2

** Dans le cadre d’un test d’aptitude, d’autres éléments peuvent être pris en compte en plus de la moyenne générale, comme p. ex. un entretien d’admission, un test d’aptitude ou un examen dans une branche spécifique.

Flexibilisation de la MP 1 dans les cantons

Sur les 24 cantons qui proposent au moins une filière de MP 1, dix n’ont pas introduit de modèles flexibles basés sur les quatre principes directeurs définis. Bien que cette possibilité ait été discutée dans les cantons en question, aucun besoin d’action n’a pu être identifié. Les principales raisons sont la faible offre de MP 1 et le nombre réduit d’apprenti-e-s ou la satisfaction des acteurs concernés par le statu quo. La majorité de ces dix cantons sont des petits cantons et/ou des cantons ruraux.

Dans les 14 cantons restants, un ou plusieurs principes directeurs ont été mis en œuvre. La mise en œuvre s’est faite principalement à l’initiative des écoles de maturité professionnelle, car les modèles de flexibilisation se rapportent à des orientations précises de la MP (dans de rares cas également à des professions données) et n’ont pas été introduits dans tout le canton.

Flexibilisation

Cantons proposant des filières de MP 1

Aucune

 

AR / FR / GE / JU / NW / SZ / SO / TG / TI / UR

Principe directeur 2 : Possibilité d’enseigner jusqu’à un tiers des leçons de MP jusqu’à un an au plus tard après la remise du CFC et la fin du contrat d’apprentissage.

BS / GR / LU / NE / SH / VD / VS / ZH

Principe directeur 4 : Possibilité de passer l’examen de maturité professionnelle au plus tôt un an avant la fin de l’apprentissage

BL / GR / SH / VD

Principe directeur 5 : Possibilité de commencer la MP pendant la 2e année d’apprentissage pour les formations professionnelles initiales de 3 ans.

GR / LU / VD

Principe directeur 6 : Possibilité de passer des examens partiels dans les branches « sciences naturelles » et « sciences sociales.

AG / BE / BL / BS / GL / LU / SG / SH / ZG

Tableau 3 : Mise en œuvre au niveau cantonal des principes directeurs visant une flexibilisation de la MP 1

Le principe directeur 6, qui offre la possibilité de passer des examens partiels dans les branches « sciences naturelles » et « sciences sociales » pendant la MP, est appliqué dans neuf cantons germanophones, principalement dans l’orientation « Technique, architecture et sciences de la vie » et, occasionnellement, dans les orientations « Santé et social » et « Nature, paysage et alimentation ». Le principe directeur 2, selon lequel jusqu’à un tiers des leçons de MP peuvent être enseignées jusqu’à un an au plus tard après la remise du CFC et la fin du contrat d’apprentissage, est appliqué dans les écoles de maturité professionnelle de huit cantons. Ici aussi, il s’applique notamment à l’orientation « Technique, architecture et sciences de la vie » et, dans certains cas, aux orientations « Santé et social », « Arts visuels et arts appliqués » ou, dans les cantons de Neuchâtel et de Zurich, à des professions spécifiques (« laborantin/e CFC » et « technologue en denrées alimentaires CFC »). Le principe directeur 4, avec la possibilité de passer l’examen de maturité professionnelle au plus tôt un an avant la fin de l’apprentissage, est utilisé exclusivement pour les formations professionnelles initiales de quatre ans dans les orientations « Technique, architecture et sciences de la vie » et parfois « Arts visuels et arts appliqués » dans quatre des 14 cantons. Le principe directeur 5, qui permet également de commencer la MP pendant la 2e année d’apprentissage pour les formations professionnelles initiales de 3 ans, est actuellement mis en œuvre dans les cantons des Grisons, de Lucerne et de Vaud dans les orientations « Technique, architecture et sciences de la vie » et « Santé et social ». Les recherches ont montré que dans deux tiers des cantons, des modèles de formation flexibles et individuels étaient déjà proposés avant 2017, et que ceux-ci peuvent désormais être officiellement attribués à l’un des quatre principes directeurs. Les raisons étaient l’augmentation de l’attractivité pour les apprenti-e-s en réduisant la charge qui pèse sur eux et la fusion de classes où le nombre apprenti-e-s est trop faible.

Un coup d’œil sur la statistique de l’éducation actuelle montre que l’orientation de la MP « Technique, architecture et sciences de la vie » représente 29 % de l’ensemble des certificats de MP 1 et constitue la deuxième orientation la plus choisie dans tous les cantons après « Economie et services » (58 % des certificats de MP 1) (OFS, 2019). Cela pourrait expliquer pourquoi l’accent est mis sur la flexibilisation de l’orientation « Technique, architecture et sciences de la vie », d’autant plus que le profil M pour les employé-e-s de commerce est une filière de formation spécifique de la formation professionnelle initiale élargie, où l’enseignement menant à la maturité professionnelle est intégré à l’enseignement CFC. Grâce à l’imbrication des contenus, une flexibilisation de l’offre n’est pas nécessaire.

Bibliographie

Babel, J. (2019). Evolution démographique et conséquences pour l’ensemble du domaine de la formation. Rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat 12.3657 – Commission de la science, de l’éducation et de la culture CN du 17 août 2012. Neuchâtel : Office fédéral de la statistique.

Becker, R. & Glauser, D. (2018). Berufsausbildung, Berufsmaturität oder Mittelschule ? Soziale Selektivität beim Übergang in die Sekundarstufe II in der Deutschschweiz. Revue suisse de sociologie, 44(1), 9-33.

OFS (2018). Degré secondaire II : taux de maturités. Neuchâtel : Office fédéral de la statistique.

OFS (2019). Analyses longitudinales dans le domaine de la formation (LABB). Neuchâtel : Office fédéral de la statistique.

CFMP (2016). Renforcement de la maturité professionnelle en cours d’apprentissage (MP 1) : flexibilisation de la mise en œuvre dans les écoles. Berne / Lucerne : Commission fédérale de la maturité professionnelle.

Accord intercantonal du 22 juin 2006 sur les contributions dans le domaine de la formation professionnelle initiale (accord sur les écoles professionnelles, AEPr).

Gonon, P. (2018). Die Schweizer Berufsmaturität als Arbeitsmarktbefähigung und fachgebundener Hochschulzugang – eine Bilanz. berufsbildung. Zeitschrift für Theorie-Praxis-Dialog, 169, 46-47.

Kost, J., Lüthi, F., & Fischer, J. (2017). Die Berufsmaturitätsquote zwischen Volatilität und Stabilität – eine bildungspolitische Herausforderung. Newsletter SGAB 02/2017. En ligne : https://www.sgab-srfp.ch/de/newsletter

SEFRI (2017). Consultation relative aux principes directeurs de la MP 1. Berne : Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation.

SEFRI (2019). La formation professionnelle en Suisse. Faits et chiffres 2019. Berne : Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation.

CSRE (2018). Rapport 2018 sur l’éducation en Suisse. Aarau : Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation

Ordonnance du 24 juin 2009 sur la maturité professionnelle fédérale (OMPr) (RO 2009 3447)